Le groupe de Meaux .
Poussé par ses exigences spirituelles, l'évêque de Meaux Guillaume Briçonnet entame la réforme de son diocèse, qui a pour pierre angulaire la promotion de la prédication de l'Evangile. Afin de mener à bien son projet, il fait appel à des humanistes de renom, tel Jacques Lefèvre d'Etaples. C'est ainsi que, de 1521 à 1525, ces réformateurs évangéliques vont constituer le "Groupe de Meaux".
Nommé évêque de Meaux le 31 décembre 1515, Guillaume Briçonnet s'est établi à demeure dans son diocèse à partir de 1517. L'année suivante, son exigence spirituelle l'a conduit à entamer une réforme visant à améliorer la formation du clergé, à mettre l'accent sur la prédication et à rendre l'Evangile accessible à tous. Pour mieux instruire les prélats et le peuple, il fait appel à son vieux maître Jacques Lefèvre d'Etaples, humaniste et pédagogue dans l'âme, dont il a suivi les cours au collège de Navarre à Paris. Celui-ci accepte de relever le défi et s'installe en Champagne avec une équipe de disciples, comme Gérard Roussel, Guillaume Farel, François Vatable, Miche d'Arande et Martial Masurier, qui vont former le "Groupe de Meaux" ou "Cénacle de Meaux".
Tous les membres du Groupe de Meaux sont animés par un même désir : rendre l'Evangile accessible au plus grand nombre. Il faut "connaître l'Evangile, suivre l'Evangile, et faire connaître partout l'Evangile", martèle Lefèvre d'Etaples. Comme nombre de "rénovateurs" qui oeuvrent un peu partout en France, ils aspirent à un christianisme plus authentique, plus pur, plus proche de celui des pères de l'Eglise. Ils déclarent que le salut est obtenu par ceux qui croient et non par ceux qui le méritent. En outre, ils considèrent l'Ecriture Sainte comme l'unique règle de foi; d'où le nom "d'évangélisme" donné à ce mouvement religieux. Par ailleurs, comme chez les protestants, le culte des saints et des reliques, les indulgences et les obligations sont jugés secondaires, voire sans valeur. Cependant, (bien qu'ils jugent que le religion authentique est intérieure, dépouillée et personnelle), ils n'envisagent aucunement de rompre avec l'Eglise romaine et l'orthodoxie catholique.Dans le diocèse de Meaux, Briçonnet et son équipe procèdent à une simplification du culte, emploient le français dans la liturgie, restreignent le recours aux quêtes et les manifestations de dévotion ostentatoires. Dans le souci de mettre les Ecritures à la portée de tous (l'évangélisme prolongeant l'humanisme), les textes sacrés sont traduits en langue vulgaire; ainsi du Nouveau Testament par Lefèvre d'Etaples.
Mais les cordeliers de Meaux, mécontents d'être ainsi évincés, ne tardent pas à porter plainte contre l'évêque et ses prédicateurs, qu'ils accusent de propager des idées "hérétiques". Sur ce dernier point, Guillaume Briçonnet semble accepter leur critique puisque, le 12 avril 1523, il révoque tous les prédicateurs de son diocèse, "pour autant que quelques-uns d'entre eux annonçaient au peuple une fausse doctrine". S'ensuit le premier départ, celui de Farel, qui quitte Meaux pour se réfugier à Bâle.
Renouvelés dans leur mission par Briçonnet, les autres disciples reprennent leur apostolat avec le renfort de quelques hommes nouveaux, comme Pierre Caroli. En 1524, Lefèvre d'Etaples, qui vient de publier sa traduction en français du Nouveau Testament, est très violemment attaqué par la faculté de théologie de Paris et le Parlement. L'année suivante, la parution, également en français et agrémentée de commentaires, de ses Epîtres et Evangiles pour les cinquante et deux semaines de l'an lui attire les foudres de la Sorbonne, qui crie au scandale et à l'hérésie, voyant en Lefèvre d'Etaples un suppôt du moine réformateur allemand Martin Luther. Quant aux cordeliers, ils obtiennent gain de cause devant le Parlement. Plusieurs des membres du Groupe de Meaux sont cités à comparaître, tandis que Guillaume Briçonnet est interrogé par deux commissaires. Lefèvre d'Etaples et Roussel jugent préférable de se réfugier à Strasbourg. Ainsi, décembre 1525 marque la fin du Groupe de Meaux, qui se disperse.
L'évêque Briçonnet, lui, rentre dans le rang de l'orthodoxie catholique en prenant désormais parti pour la tradition. Peu après ces événements, il fait réaliser une enquête auprès des curés de son diocèse à propos de la foi et de la pratique religieuse des paroissiens. Dans l'ensemble les rapports sont rassurants : les fdidèles assistent à la messe, reçoivent les sacrements, croient au purgatoire et prient les saints. Mais, à travers les témoignages édulcorés des curés se dessine la progression des idées nouvelles de la Réforme.